- DEBORAH -
En décembre 1977, une sérieuse crise de sciatique me cloue au lit et ma seule distraction est de feuilleter toutes les revues qui me tombent sous la main. Un exemplaire de « Bateaux » retient particulièrement mon attention, les pages d’annonces proposant à la vente un bon nombre de sloop, ketch et autres goélettes à qui serait désireux de partir à la découverte du vaste monde. Une courte réflexion m’amène à réaliser que si nous vendons la maison nous devrions avoir largement les moyens de nous offrir une de ces petites merveilles et de cingler allègrement vers les îles lointaines. Je fait part à Nicole de mon idée qui ne l'emballe pas immédiatement mais fera rapidement son chemin et sera acceptée. Nous profiterons du séjour à Paris au salon des Ateliers d'Art de janvier ou nous exposons nos dernières créations pour faire publier l'annonce de la mise en vente de la maison dans la très confidentielle revue "La Céramique Moderne".
Après avoir exécuté et livré les commandes nous partons à l'assaut des pontons des ports de la méditerranée et découvrons bien vite qu’un bateau c’est beaucoup plus compliqué que nous le pensions, c’est une coque certes, mais aussi un moteur, un mat et son gréement, des voiles et des cordages, des winches et des poulies, une cuisine, un circuit électrique, des tuyaux et des vannes qui si elles ne sont pas bien fermées peuvent tout simplement vous faire couler, etc…et l’idée de le construire pour bien le connaître germe dans mon esprit. L’époque est favorable, des chantiers de construction navale amateur éclosent un peu partout, poussés par une vague de rêve de voyages sur les traces de Joshua Slocum ou de Bernard Moitessier.
Slocum a commencé son voyage en naviguant à travers l'Atlantique de Boston à Gibraltar. Alors qu'il se dirigeait vers le canal de Suez à bord de son petit voilier en bois, Spray, une drague à huîtres vétuste qu'il avait reconstruite lui-même, on l'avertit qu'il n'avait aucune chance de passer à travers l'essaim des pirates en Méditerranée. Alors, pensant qu'il y a deux directions pour faire le tour du monde, Slocum est reparti de l'autre côté de l'Atlantique, mettant le cap sur le Brésil. Néanmoins, il fut bientôt traqué par des pirates. La chance et des manœuvres rapides, lui permettront de les éviter de justesse. C'était la première d'une série d'évitements de sauvages, de courants mortels et de côtes rocheuses au cours des trois années qui suivirent. Son passage en solo dans le dangereux détroit de Magellan est sans doute le fait le plus remarquable de l'histoire.
Joshua Slocum s'était habitué aux difficultés. En tant que matelot, il avait subi plusieurs revers et était pratiquement ruiné. Sa première femme était morte jeune et il ne s'était jamais vraiment remis de sa perte. Mais Slocum n'était pas qu'un clochard des mers, bien qu'il ait quitté l'école après sa troisième année, il est devenu un écrivain accompli. Son esprit acide, son humour ironique et ses observations de yankee sur la nature ont conduit certains à l'appeler un "Thoreau enclavé dans la mer". Son livre, Sailing Alone Around the World, a été traduit dans plus de six langues et est toujours en cours d'impression. Il a fait plus pour promouvoir la voile et les voyages en petits bateaux que tout autre livre jamais écrit, dit Mike Martel, de la Joshua Slocum Society International. Slocum est une légende parmi ceux qui font le tour du monde à bord de petits bateaux, et il existe des sociétés Slocum sur trois continents. Diverses activités commémoratives et éducatives sont prévues pour le centenaire du voyage de Slocum en juin 1998.
Per Ola & Emilly d'Aulaire - Magazine Smithonian - 30 avril 1998
Bernard Georges Moitessier, né le 10 avril 1925 à Hanoï à l'époque au Tonkin, à l’époque Indochine Française et mort le 16 juin 1994 à Vanves (Haut de Seine) est un navigateur et écrivain Français, auteur de plusieurs livres relatant ses voyages.
Il est l’aîné de cinq enfants ; il a trois frères et une sœur. Ses parents sont français : sa mère, artiste, est diplômée des Beaux-Arts, son père, commercial, diplômé d’HEC.
L’enfance et l’adolescence se passent à Saigon (Ho Chi Minh Ville), agrémentées des trois mois de grandes vacances dans un village de pêcheurs du golfe de Siam, « entre mer et forêt« , où il noue une grande amitié et complicité avec les enfants des pêcheurs et développe un goût prononcé pour la vie proche de la nature. Les pêcheurs l’initient à la navigation sans instrument, en contact direct avec les éléments.
En 1968 il participe à la première course autour du monde, en solitaire et sans escale, leGolden Globe Challenge 2. Alors qu'il est annoncé vainqueur, il renonce à franchir la ligne d'arrivée, abandonne la course et continue, toujours sans escale, en direction de l’Océan Indien. Après dix mois de navigation, son périple s'arrête en Polynésie. Quelques années après, il s'installe sur l'atoll d’Ahe avec sa compagne Ileana et leur fils Stephan.
Au cours de sa vie, ce « vagabond des mers du Sud » — comme il se surnomme lui-même dans le titre de son premier livre — a parcouru aussi bien l’Atlantique que le Pacifique Il a fait escale aux Antilles, en Polynésie et en Nouvelle-Zélande, passé trois fois le cap de Bonne Espérance et deux fois le cap Horn. Il a vécu une douzaine d'années entre Tahiti et les Tuamotu et a milité contre la nucléarisation du Pacifique sud, pour la désescalade nucléaire pendant la guerre froide et pour la plantation d'arbres fruitiers dans les villages français. Mort d'un cancer en 1994, il repose au cimetière du Bono situé dans le golfe du Morbihan en Bretagne. - Wikipedia -
Au salon de Paris, Olivier Roy, potier à Vallauris m'avait parlé de Marcel Subrero, architecte naval installé à deux pas de chez lui et aussi de la possibilité de m'embaucher comme tourneur dans son atelier. Je serai séduit par le « Petit Prince », ketch en acier à bouchains de 12,50 m et une proposition de place au chantier amateur Saint-Claude, à Antibes, pour la construction.
Entre temps la maison a été vendue et début mai nous quittons l’Ardèche pour Juan les Pins, à mi-chemin de Vallauris et d'Antibes.
La construction démarre aussitôt avec l’aide de Didier, soudeur confirmé qui m’enseignera ce travail. Je partage donc mon emploi du temps entre me parfaire comme tourneur chez Olivier le matin et, l’après-midi, apprenti-soudeur au chemin de Saint Claude.
En accord avec l’architecte j’ai apporté quelques modifications au plan initial en portant la longueur de coque à 12,80 m et en avançant et rehaussant le roof pour créer un espace table à carte, couchette de veille et barre à roue intérieure.
Plan en long et plan de pont.
La construction de la coque
Les aménagements intérieurs
Construire un bateau en amateur demande l’acquisition de très nombreuses connaissances. Après avoir dessiné le plan d’aménagement à mon idée, un vaste carré arrière avec une grande table ronde, une timonerie centrale surélevée avec table à carte et couchette de veille, cabine principale pour le capitaine et sa sirène, cabine avant pour le mousse, soute à voile, atelier, salle d’eau, cuisine en coursive tribord et deux banettes superposées en coursive bâbord, grand coqueron à l’arrière puit à chaine et mouillage à l’avant., il va falloir maintenant que je devienne menuisier ébéniste. Je choisi alors le meilleur outil sur le marché, un combiné à bois Kity et quelques ouvrages techniques chez Dunod et me voilà prêt!
Le travail du bois est un plaisir intime, tactile et olfactif, qui demande rigueur et précision et qui très vite m’enchante. C'est avec patience et passion que je réaliserai, en jouant avec l'harmonie des teintes du bois, pin très clair pour les cloisons et les panneaux de porte, niangon brun rosé en contraste pour les ossatures et les encadrements, un intérieur très lumineux et agréable à vivre. De l'iroko sera utilisé pour les capots extérieurs, le pavois et les banquettes de cockpit. Parallèlement il faudra mettre en place le réseau électrique, l'alimentation en gaz, la distribution et l'évacuation d'eau douce, les réservoirs, installer le moteur et les batteries, réaliser le capitonnage des coussins et des matelas, tâche à laquelle excellera Nicole après avoir appliqué avec soin les couches de vernis, et enfin, l'équipement de pont et l'accastillage.
L'aménagement intérieur
Nous sommes loin d’être des marins compétents même si, pour notre apprentissage, nous avons acheté un petit Aloa 21 , le « Nouveau Cours de navigation des Glénans » et effectué quelques ronds dans l’eau au « large » de Marina Baie des Anges…! Nous aurons la chance de rencontrer un vrai marin breton, originaire de Bréhat, Jacques Danet, qui cherchant un embarquement pour aller de « l’autre coté » deviendra, en échange d’une couchette à bord, notre préparateur, entraineur et skipper, nous lui devons beaucoup, qu’il en soit remercié ici.
Aloa 21
La mise à l'eau
Enfin, arrivera le jour de la mise à l'eau…et Nils, notre fils, alors âgé d’à peine quatre ans, se campera sur le balcon avant et prononcera ces mots mémorables : « Quand est-ce qu’on part? »
Début décembre nous quitterons Antibes , direction les Antilles et Saint-Barthélémy....